Le chaperon rouge

Publié le par quechacunvoitmidiasaporte

Je reste encore un peu assise sur son petit lit. Juste un peu de temps. Histoire de m’imprégner de son odeur, d’imaginer quelles couleurs pourraient donner vies a ses rêves.

Je remets en place sa peluche. Il y tient tellement à son petit ours bleu. Un pouce dans la bouche, et une main qui tient fermement l’oreille de son nounours. Je me sens emportée d’un amour que je ne pensais jamais pouvoir ressentir. Ce petit être qui dort prés de moi me donne chaque jour la force d’avancer. Il me donne envie de vivre, juste pour voir dans ces yeux la fierté que je sois sa maman.

C’est le rôle que je n’espérais plus. Plus qu’un rôle, c’est ma vie de rendre ce petit bout de chou heureux. Ce fils que je n’attendais plus… Que je ne méritais pas.

Je le regarde avec tendresse. Je suis émue de voir ce petit corps noyé dans les draps. Une si petite tête par rapport à son coussin.

Je tiens encore entre mes mains son histoire préférée, le petit chaperon rouge. Il aime quand le méchant loup est attrapé par le chasseur. Une jolie fin pour mon garçon aux doux rêves.

Je suis perdue dans mes pensées mais je sais que le temps s’écoule. Je ne veux pas le quitter des yeux. Il est trop tôt. Il est toujours trop tôt pour quitter sa chambre.

Chaque soir je dois lutter pour quitter son lit et m’en aller travailler. Un travail de nuit qui demande des sacrifices. C’est pour cela que je profite pleinement de chaque instant passé prés de lui. Prés de cet ange qui me donne espoir. Qui m’a réconcilié avec la vie, avec mon passé.

Je ferme les yeux. Une envie de pleurer me prend. Mais comme tous les autres soirs, je dois trouver la force de me lever pour aller m’habiller.

J’en profite pour entortiller une de ses boucles blonde sur un doigt. Je le regarde une dernière fois, souffle un bon coup, et lui caresse le haut du front.

Je me sens assez apaisée pour me lever. Je quitte sa chambre sur la pointe des pieds pour ne pas le réveiller. Je laisse la porte entre-ouverte au cas où…

Toujours dans le silence je m’habille et me maquille. En me regardant dans le miroir, je sais que je ne suis plus la maman. Je suis le petit chaperon rouge qui va affronter les loups de la nuit.

Pendant les heures à venir je serais Lili pour ces messieurs…

Une retouche de rouge, des faux cils noirs, des bas résilles… je dois quitter à regret mon appartement.

Mon plus cher trésor se trouve ici, caché des regards indiscrets. Comment aurai-je pu imaginer un plus cher cadeau que lui ? Moi qui pratique le plus vieux métier du monde ?

Sur la pointe des pieds, en évitant de claquer mes talons sur le carrelage, je passe ma tête à travers la porte. Une dernière fois, je regarde cet ange qui m’est tombé du ciel il y a cinq ans.

La nuit s’annonce glaciale. Mais entre filles, en appâtant le loup, nous nous réconforterons en parlant de nos biscuits chauds qui nous attendent à la maison…  Je sais qu’un jour, il me posera des questions sur ce que je fais dans la vie. Je lui répondrai simplement que je suis sa maman.

Et tout ce qui me fais tenir pour l’instant, c’est l’assurance que demain matin, lorsque je le réveillerai, je ne serais plus Lili, ni « Salope », mais Maman. Et de sa bouche, c’est le plus beau réconfort que je puisse recevoir.

 

 

Oui, les contes de fées ne sont pas toujours très loin de la réalité. Parfois la vie, les surpassent. Les contes sont là pour faire peur et rassurer à la fois les enfants. Il existe des dangers, des monstres, des petites filles apeurées… Mon ange est mon chasseur. Et tous les matins, en me souriant, il tue les loups qui m’ont poursuivi toute la nuit durant.

Mon fils a un pouvoir extraordinaire : il sait que les loups meurent toujours à la fin de l’histoire…

 

 

Publié dans 2010

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